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Aurélia Jaubert

Exposition [SCÈNES D'INTÉRIEURS] - SEPT 2023

 

Quel bonheur pour l’artisan modeste, cette technique qui permet de composer des œuvres mirobolantes. Elles vont trôner dans la salle à manger ou la salle de séjour jusqu’à un soudain dégoût de leur auteur.

C’était un tableau classique ou un « chromo », plus ou moins mal reproduit sur une grille percée invitant l’artisan à répéter les surfaces, les traits, les nuances, à l’aide de laines colorées. La chose prend peu à peu sa superficie laineuse, rejouant, tant bien que mal, l’image de départ. Parfois le travail est abandonné en cours de route, l’objet finit à la cave ou au grenier. Peut être l’artisan ou plutôt l’artisane, ça se dirait ?, s’est rendue compte qu’elle ne sera jamais une artiste.

Que faire de ces choses qui à la longue font même parfois honte à leurs auteures ? Et si on les rassemblait et qu’à partir de ces collections on recomposait de grands ensembles ? C’est l’invention d’Aurélia Jaubert. Ni tout à fait tapisserie classique, ni canevas géant, ni collage, mais le rassemblement de personnages, de paysages apparemment familiers aux yeux du spectateur mais dont le voisinage devient incongru, application inattendue d’un inventaire à la Prévert ou des mots valises à la Lewis Carroll. Van Gogh et Tintin, Botticelli et Donald, Fragonard et Mickey, Vélasquez et Banania… Et les thèmes les plus traditionnels avec les grands cerfs dans la forêt trop verte, les lacs bleus d’une teinte impossible, les bouquets de fleurs, les clowns rigolards, Ulysse revient mais dans un monde méconnaissable…Aucune hiérarchie. Le sublime côtoie le vulgaire. Sauf que le sublime d’origine avait déjà été mutilé par la recopie médiocre du canevas, désormais transformé par l’adjonction d’éléments insolites, voisinant avec d’autres prélèvements. Car ces arrangements qui pourraient sembler le comble du mauvais goût obéissent pourtant à une logique qui est la marque de l’artiste. Recto ou verso, les fils bariolés pendouillent, autres façon de lire la tapisserie, partie intrigante pour nous, modernes…


D’abord Aurélia n’a pas hésité à s’emparer des formats de la tapisserie classique, façon de proclamer que tout peut devenir œuvre. Ensuite, ces canevas patiemment accumulés, ses « rebuts », elle les a découpés, extrayant objets, paysages et personnages qu’elle a recousus ensemble et placés dans ce cadre géant. Et, c’est là qu’advient la principale surprise, avant même de découvrir en riant ces rencontres de personnages et de paysages, on perçoit qu’elle a aménagé ces foules et ces décors de façon à recomposer un paysage perspectiviste : femmes, hommes, objets et motifs de plus en plus petits à mesure qu’on s’éloigne du bord inférieur. Il ne s’agit donc pas d’un collage arbitraire, les gens et les maisons sont debout, la mer est à l’horizon, les nuages dans le ciel, tout concourt à donner l’apparence d’un tableau ou d’une tapisserie classique et ce n’est qu’en s’approchant de la cimaise que le spectateur va découvrir avec joie la folie de ce monde nouveau.

Alain Jaubert 2023

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