> JUSQU'AU 25 NOV. L'EXPOSITION "LES CHOSES DERRIÈRES LES CHOSES" DE PHILIPPE HUART <
Cette antienne de Philippe Huart, venue de sa fascination pour une réplique de Robert le Vigan dans le film Le Quai des brumes, relève de la gageure face à un art qui déploie des trésors d’objectivité. C’est pourtant avec ce leitmotiv chevillé au corps qu’il arpente les chemins escarpés d’une pratique à l’apparence hyperréaliste, mais qu’il investit aussi avec autant d’acuité le dessin, médium par lequel il nous projette plus volontiers dans l’envers du décor pour sonder les failles du réel.
Partant de là, s’imprégner de son projet artistique implique de dépasser les ressorts d’un savoir-faire technique décliné avec brio, et d’investir le biais induit par l’image elle-même, ce fragment d’un réel surfait qui nous invite à gratter le vernis de la surface rutilante pour questionner sa matérialité.
Devant “Puisque tout passe”, grand dessin à la saveur plus intimiste que ses peintures, le clin d’œil un brin décalé à Baudelaire incline déjà à faire un pas de côté vis à vis de nos certitudes, et à douter de ce que nous croyons voir. En fixant le motif vu en surplomb, notre regard esquisse une lente dérive au gré des pulsations vibratiles de l’eau, et pour peu que nous laissions encore nos sens en éveil, c’est un microcosme de formes inattendues qui nous aspire inévitablement dans les flux et reflux, puis finit par battre en brèche nos plus infimes perceptions préexistantes.
Au fil de notre rencontre, j’ai évoqué avec l’artiste les grands dessins de “déprogrammation” de Jean-Olivier Hucleux. J’ai perçu dans son regard une lumière scintiller. Tout est dit, les raisins de Zeuxis et la légendaire mouche de Giotto n’ont qu’à bien se tenir, le grain de sable de Philippe Huart apporte des eaux plus tumultueuses qu’il n’y paraît au moulin de la controverse illusionniste qui, vous l’aurez compris, n’en est pas un… moulin.
Samuel Monier