“BLACK STAR RISING“
MARTIN MC NULTY
[ vs Cornelius Cardew ]
On pourrait croire que le noir ne se trouve que dans la nuit, la nuit qui tourne le dos au soleil, la nuit qui ne dure qu’un jour – mais cela serait ignorer qu’il y a sur terre des pierres nouvelles, étranges et inattendues, dont le noir est le reflet du ciel dont elles viennent. Ces étoiles au ciel arrachées sont d’ailleurs, et elles apportent sur notre planète des signes qu’il importe de déchiffrer. Les civilisations passées ne s’y sont pas trompées, elles qui leur ont bâti des temples et offert des sacrifices. Ainsi l’Empereur romain Héliogabale avait-il tenu à apporter depuis la Syrie la pierre tombée du ciel dont il avait la garde dans le temple du Soleil d’Émèse et a-t-il précipité en son honneur une variété d’animaux domestiques et sauvages du haut d’une tour. En 1492, une météorite a été suspendue dans la nef d’une église alsacienne de peur qu’elle ne reparte là d’où elle était venue, et que ses pouvoirs oraculaires ne se retournent contre ceux qui l’avaient recueillie. Antonin Artaud, quant à lui, voyait ces pierres comme « des vertèbres dans des coins précieux de la terre » et il fait peu de doute que c’est sur un aérolithe que Jacob s’est endormi et a songé qu’il y avait entre la terre et le ciel une échelle que montaient et descendaient des anges, échelle dont on peut souhaiter qu’elle ne soit rien d’autre que l’expression de notre tâtonnant désir pour ce qui passe et ce qui demeure, pour l’obscurité et la lumière. Ainsi le noir qui est au ciel peut-il s’égrener sur notre terre, signalé par le mot de l’écrivain, le songe du prophète ou la main de l’artiste et s’offrir au monde comme une lueur, celle que l’on aperçoit dans la nuit, quand les étoiles une après une s’allument.
Matthieu Gounelle